La préparation spirituelle
Pour l’homme de foi, la nature est une constante merveille (…) Il fait un vœu, prend le bâton et le bourdon de pèlerin; il franchit les Alpes ou les Pyrénées, visite Notre-Dame de Lorette ou Saint-Jacques en Galice; il se prosterne, il prie le saint de lui rendre un fils (pauvre matelot, peut-être errant sur les mers), de prolonger les jours d’un père, de sauver une sage épouse. Il part pour retourner à sa chaumière; tout chargé de coquillages, il fait retentir les hameaux du son de sa conque et chante, dans une complainte naïve, la bonté de Marie, mère de Dieu…
François-Auguste Chateaubriand, Génie du Christianisme, ou Beautés de la Religion Chrétienne, III, Paris, 1802, pp. 175-176
Compte-rendu des séances précédentes
Compte-rendu de la séance du 7 décembre 2024
L’attitude du pèlerin sur le Chemin de Compostelle nécessite d’effectuer un mouvement en avant. Cette marche entraîne une démarche. La quête de sens semble essentielle même si elle peut ne pas être partagée par tous.
Recherche-t-on la solitude, veut-on fuir l’agitation du monde qui nous entoure?
Trop de bruit, de nombreux tracas quotidiens, le trouble continuel, constituent autant d’éléments perturbateurs.
Placer sa foi dans n’importe quelle puissance temporelle peut se révéler risqué.
Il faut rester prudent par rapport aux nombreuses idéologies de paradis terrestre qui nous sont proposées.
La représentation théologique de la Jérusalem terrestre à la Jérusalem céleste peut aider à aller se ressourcer au désert. Ainsi, se lancer dans un pèlerinage permet de vivre une période de transformation et de renouveau qui est bénéfique au corps et à l’esprit.
C’est dans cet écrin qu’est la nature que le pèlerin peut rechercher « l’eau vive », appréhender cette renaissance avec les oreilles du cœur. Pour ce faire, il faut consentir à lâcher prise, à se laisser porter par la Parole.
« Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l’ouvrage de ses mains…Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s’entende ; » (Ps 18)
Le psaume constitue un moyen de transport, une manière de voir la vie, un moyen de se comporter tel qu’on peut l’attendre du peuple élu.
Pour être émerveillé par un paysage, une église, une parole, une rencontre, il faut être entrainé par le souffle de l’Esprit, écouter, entendre l’appel.
Le temps de l’Avent liturgique nous en procure l’occasion afin de se tenir en éveil pour la venue du Christ ressuscité.
S’approcher du pèlerinage, permet selon le père P. Sonnier, de faire une référence avec la réouverture de Notre-Dame de Paris. Cette église instaure un espace sacré au sein duquel il existe un seuil à franchir pour s’approcher du Saint des Saints.
Pour y pénétrer, les pèlerins que nous sommes tous sur terre doivent répondre à l’appel de Dieu. Soigner la réponse à y apporter c’est se rassembler dans les lieux de culte pour entretenir et nourrir cette Alliance qu’il nous a proposée.
Compte-rendu de la séance du 29 avril 2023
Lors de notre dernière rencontre spirituelle, le père Patrice Sonnier a d’abord insisté sur les défis de direction à prendre pour l’Europe. Quel sens à donner à ce chemin commun qui a façonné l’identité européenne ?
Sur celui de Saint-Jacques de Compostelle se forme une communauté de vivants, de chrétiens. La différence des langues ne constitue pas une barrière, bien au contraire. Cette diversité crée une harmonie qui permet aux pèlerins de partager et de vivre leur expérience sans crainte. Cette ouverture les uns envers les autres compose une architecture harmonique tel que l’agencement des différentes pièces dans une Eglise. C’est une Europe sans
frontières mais qui ne renonce pas à ses racines chrétiennes, nous déclare-t-il en faisant écho aux fortes paroles du pape Jean-Paul II
lors d’un de ses séjours dans la ville de l’apôtre.
Une autre figure importante est ensuite convoquée pour asseoir cette spiritualité sur le Chemin. C’est la mère de Jésus qui soutient également le pèlerin pendant sa marche. Afin que ce pèlerinage ne soit pas seulement subi mais vécu avec les autres et avec son fils, il faut savoir se laisser surprendre par l’esprit du Seigneur. Nous sommes nous-mêmes quelquefois en proie à une forme de découragement sur le Chemin, comme l’apôtre. Nous pouvons être soutenus et protégés par Marie, si nous savons être « dociles à l’Esprit Saint ».
Lors des précédents partages, le père Sonnier avait conseillé d’emporter dans son sac une bible et un carnet de route. Cette
fois-ci, il propose un chapelet, objet de dévotion mariale utile au pèlerin. En tenant fermement celui-ci, les récitations qui s’enchaînent évoquent le mouvement des pas. Cette adresse à Marie nous amène non seulement la respiration du corps mais aussi à celle de l’esprit. C’est ainsi qu’il y a longtemps, outre les psaumes, le peuple n’ayant pas la connaissance de Dieu réservée aux moines dans les abbayes, pouvait entrer en proximité avec le «Verbe qui s’est fait chair ».
Alors en accueillant l’Esprit Saint pour transcender notre pesanteur pendant la marche, nous pouvons passer du statut de randonneur à celui de pèlerin.
Compte-rendu de la séance du 25 Février 2023
Le Père Patrice Sonnier a abordé la causerie en rappelant les grandes figures des pèlerins de la foi avec qui nous avions fait connaissance lors de la dernière séance. Abraham, père de la foi qui n’a pas été comblé dans ses attentes représente la figure de l’humanité en marche. Moïse, qui va structurer cette action avec l’appui de la Parole suite à l’appel pour se mettre en marche.
Au risque de se répéter, la marche vers Saint-Jacques de Compostelle n’est pas une « balade » mais un chemin de pèlerinage. Si les motivations des marcheurs ne sont pas toutes forcément chrétiennes c’est que l’attrait du monde d’aujourd’hui pour les choses matérielles nous a fait perdre de vue toute transcendance avec le Très-Haut. Les pèlerins du Moyen-âge sur les traces desquels nous marchons avaient en tête un monde plein de choses merveilleuses, invisibles, qui structuraient leur imaginaire et leur démarche. Se lancer sur le Chemin de Compostelle n’est pas anodin. Il peut sembler seulement une démarche écologique. Mais la nature, le soleil, le vent, les oiseaux avec qui nous sommes en contact ne sont-ils pas l’œuvre de la Création ?
Si ce Chemin nous introduit assurément dans un espace à découvrir, il est également une occasion de rencontre : celui de la figure du Christ. Prenons par exemple, l’expérience de la mort partagée par tous les marcheurs. Celle-ci évoque notre propre expérience humaine. Ainsi, terminer Place de l’Obradorio ou à Fisterra n’est souvent pas le terme du Chemin. Pour de nombreux marcheurs devenus pèlerins, cette fin constitue plutôt une ouverture, un nouveau départ. Et le mystère du Christ, lui qui a partagé notre condition humaine, qui a connu cette « finitude » vient éclairer le rapport à la mort. « Christ, mort et ressuscité », inspire ce « passage », cette « Pâques », cette dilatation du temps en ce sens que le Chemin n’est pas achevé.
L’expérience de la rencontre avec l’autre avec qui nous partageons les joies et les souffrances de la marche, avec qui nous expérimentons l’épreuve de la mort est l’occasion de découvrir également le visage du Christ. Le Chemin terminé, après avoir éprouvé notre finitude, quelque chose de plus grand nous appelle. Une autre marche, des nouvelles rencontres, un « passage »différent à mettre en œuvre.
Avec la découverte de l’Autre sur le Chemin qui se fait dans la réciprocité et le partage, prendre le Chemin de Saint-Jacques peut être une occasion propice à porter notre regard sur la figure du Christ, visage et pèlerin de la foi.